Astuce Admin
Messages : 107 Date d'inscription : 29/09/2009
| Sujet: Le Retour du Comte Sam 5 Mar - 3:40 | |
| La lumière glauque du matin d’hiver atteint les couvertures pêle-mêle d’où émerge un bras pâle. Astuce fronce le nez : l’odeur est presque insoutenable. La maladie, la souffrance et la mort. Son souffle se fige en un expir douloureux, et elle entre précautionneusement dans la pièce, à l’affût du danger qu’elle sent présent.
Un vieux parquet abîmé, un placard ouvert d’où s’échappent des draps sales à l’odeur putride, une chaise sur laquelle trône un gilet de brocart vert brodé d’or, dont l’apparat jure avec la paille défoncée de l’assise. Il attire le regard, ce gilet. La paillette d’or dans la rocaille sans valeur. Comme son propriétaire…
Elle s’attarde près de la fenêtre, entrouverte, qui laisse passer le froid glacial du dehors. La cheminée est froide et pleine de suie. Les bougies sont éteintes, mal mouchées, un fond de quelque chose colle dans un unique verre sur l’appui de fenêtre. D’ici, on ne voit que des toits.
Astuce observe le paquet de couvertures, angoissée. Elle tente de déceler un mouvement de respiration, et en repère un, infime et lent, qu’elle essaie de ne pas accorder à son imagination. Que ferait-elle s’il était mort ? La main tressaille, un mouvement naît sous le tissu rêche, et elle s’approche, silencieusement.
- Val ?
Il sursaute, se retourne, lève sur elle un regard éperdu. Elle n’a que le temps de noter ses joues creuses, les salières de ses clavicules, et le pansement suintant à l’épaule qu’il se rejette en arrière, en grognant sourdement de douleur.
- Val ! Qu’est-ce qui t’es arrivé ?
Il est d’une maigreur effrayante. La blancheur de sa peau fait ressortir sa pilosité sombre et ses muscles ont fondu, laissant à son torse une allure squelettique qui l’effraie davantage. Il lève un bras, se frotte le visage d’une main et laisse échapper un sanglot. Elle est déjà près de lui, à le palper et à étudier son état de santé, ouvrant son outre pour lui proposer de l’eau. L’infection s’est répandue. Avec un juron, elle comprend qu’elle ne le sauvera pas dans cet état de faiblesse. - Putain, tu déconnes, c’est quoi cette idée à la con d’aller s’enterrer en train de crever dans un bouge pareil ?!
Il ouvre un œil chassieux, gémit et boit goulument avant de lui répondre d’une voix rauque :
- Pas l’choix… Poursuivi… Pas l’temps d’prévenir.
Tu parles… Astuce lui claquerait bien le cornet, mais elle se contente d’un regard noir. Il a bien saisi. Il tourne la tête de l’autre côté et contemple le mur, crispé, tandis qu’elle soulève un coin du pansement dégueulasse pour jeter un œil dessous. Rien que l’odeur confirme ses craintes.
- T’es allé crever dans un coin comme un chien malade surtout. Tes instincts prennent un peu trop le dessus, ces derniers temps.
- Je suis en train de devenir fou, Ast’. Je vais finir par faire mal à quelqu’un, par tuer ou par devenir une grosse pourriture de démoniste manipulateur. Ou pire tiens, un worgen sauvage, doué de nécromancie, j’ai plus qu’à aller poser ma candidature chez Arugal… Aïe !
Bon d’accord, elle avait peut-être fait un peu exprès à ce moment de tirer sur la peau douloureuse. Quel imbécile. Et il se figurait que ça suffisait, de se tenir à l’écart des autres ?
- Alors t’as voulu crever loin de tout le monde ? Y’a des moyens plus rapides et moins douloureux, tu sais.
Un rire caverneux secoua ses côtes et se termina en une quinte de toux grasse. Il but encore à l’outre et la laissa glisser à terre, vide.
- Je suis trop lâche pour ça, on dirait. J’aime trop la vie. J’ai pas su quoi faire. Fuir c’était mieux.
- Ah ouais, bravo, tiens, une vraie réussite. Non seulement t’as pas réussi à te tuer, mais tout le monde s’est fait un sang d’encre et on te cherche tous depuis une plombe. Tous mes indics sont sur le coup. Et on dirait qu’il va bien falloir que tu subisses guérison, convalescence et tout le toutim, plus des explications à tout le monde. Pas confortable, hein ?
- Laisse-moi crever, beurk.
- Tu rêves, gros moche. Trop contente de te faire souffrir.
- Ah. Je me disais aussi.
Tétanisé, il laissa Astuce terminer d’ôter les bandes de tissu imbibées de sanie et rincer la plaie avec une exclamation de dégoût.
- C’est malin. Il faudrait que je te transporte bien loin d’ici pour qu’on s’occupe de toi comme il faut, mais je sais même pas si t’es assez costaud pour supporter le voyage.
- Sous mon autre forme, je pourrais.
- Tu arrives encore à te contrôler ?
Il grimaça, alors qu’elle grattait le pus séché d’un instrument brillant et acéré.
- Tu l’as dit toi-même, je suis trop faible pour faire beaucoup de dégâts.
- J’ai pas super envie d’essayer.
Elle se leva, observa leur environnement en plissant le nez et ouvrit la fenêtre.
- J’ai plus qu’à appeler quelqu’un qui saura te rabibocher en un rien de temps.
- Ouais, bah Myrthis elle me fout la trouille, et puis la dernière fois elle m’a fermé sa porte au nez.
- Non, non, je pensais à une cure un peu plus… elfique.
Elle se glissa par la fenêtre et disparut sur les toits sans faire plus de bruit qu’un pigeon. Il se laissa retomber sur l’oreiller et respira un peu plus librement. Qu’est-ce qui s’était réellement passé dans sa tête, ces derniers temps ? Comment avait-il atterri ici ?
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